Je dois dire que ce qui m'avait paru le plus grave et m'avait le plus frappé comme symptôme qu'elle allait au-devant de mon accusation, c'était qu'elle m'avait dit : « Je crois qu'ils ont Mlle Vinteuil ce soir », et à quoi j'avais répondu le plus cruellement possible : « Vous ne m'aviez pas dit que vous aviez rencontré Mme Verdurin. » Dès que je ne trouvais pas Albertine gentille, au lieu de lui dire que j'étais triste, je devenais méchant. En analysant d'après cela, d'après le système invariable des ripostes dépeignant exactement le contraire de ce que j'éprouvais, je peux être assuré que si ce soir-là je lui dis que j'allais la quitter, c'était – même avant que je m'en fusse rendu compte – parce que j'avais peur qu'elle voulût une liberté (je n'aurais pas trop su dire qu'elle était cette liberté qui me faisait trembler, mais enfin une liberté telle qu'elle eût pu me tromper, ou du moins que je n'aurais plus pu être certain qu'elle ne me trompât pas) et que je voulais lui montrer par orgueil, par habileté, que j'étais bien loin de craindre cela, comme déjà à Balbec, quand je voulais qu'elle eût une haute idée de moi et, plus tard, quand je voulais qu'elle n'eût pas le temps de s'ennuyer avec moi.