Proust | croire à la médecine serait la suprême folie, si n'y pas croire n'en était pas une plus grande

Cottard, qu'on avait appelé auprès de ma grand-mère et qui nous avait agacés en nous demandant avec un sourire fin, dès la première minute où nous lui avions dit qu'elle était malade : « Malade ? Ce n'est pas au moins une maladie diplomatique ? », Cottard essaya, pour calmer l'agitation de sa malade, le régime lacté. Mais les perpétuelles soupes au lait ne firent pas d'effet parce que ma grand-mère y mettait beaucoup de sel, dont on ignorait l'inconvénient en ce temps-là (Widal n'ayant pas encore fait ses découvertes). Car la médecine étant un compendium des erreurs successives et contradictoires des médecins, en appelant à soi les meilleurs d'entre eux on a grande chance d'implorer une vérité qui sera reconnue fausse quelques années plus tard. De sorte que croire à la médecine serait la suprême folie, si n'y pas croire n'en était pas une plus grande car de cet amoncellement d'erreurs se sont dégagées à la longue quelques vérités.