En disant aux Verdurin que Swann était très « smart », Odette leur avait fait craindre un « ennuyeux ». Il leur fit au contraire une excellente impression dont à leur insu sa fréquentation dans la société élégante était une des causes indirectes. Il avait en effet sur les hommes même intelligents qui ne sont jamais allés dans le monde, une des supériorités de ceux qui y ont un peu vécu, qui est de ne plus le transfigurer par le désir ou par l’horreur qu’il inspire à l’imagination, de le considérer comme sans aucune importance. Leur amabilité, séparée de tout snobisme et de la peur de paraître trop aimable, devenue indépendante, a cette aisance, cette grâce des mouvements de ceux dont les membres assouplis exécutent exactement ce qu’ils veulent, sans participation indiscrète et maladroite du reste du corps. La simple gymnastique élémentaire de l’homme du monde tendant la main avec bonne grâce au jeune homme inconnu qu’on lui présente et s’inclinant avec réserve devant l’ambassadeur à qui on le présente, avait fini par passer sans qu’il en fût conscient dans toute l’attitude sociale de Swann, qui vis-à-vis de gens d’un milieu inférieur au sien comme étaient les Verdurin et leurs amis, fit instinctivement montre d’un empressement, se livra à des avances, dont, selon eux, un ennuyeux se fût abstenu.