Marcel Proust | La guerre se prolongeait indéfiniment et ceux qui avaient annoncé de source sûre, que les pourparlers de paix étaient commencés, ne prenaient pas la peine de s'excuser de leurs fausses nouvelles

La guerre se prolongeait indéfiniment et ceux qui avaient annoncé de source sûre, il y avait déjà plusieurs années, que les pourparlers de paix étaient commencés, spécifiant les clauses du traité, ne prenaient pas la peine quand ils causaient avec vous de s'excuser de leurs fausses nouvelles. Ils les avaient oubliées et étaient prêts à en propager sincèrement d'autres qu'ils oublieraient aussi vite. C'était l'époque où il y avait continuellement des raids de gothas, l'air grésillait perpétuellement d'une vibration vigilante et sonore d'aéroplanes français. Mais parfois retentissait la sirène comme un appel déchirant de Walkure – seule musique allemande qu'on eût entendue depuis la guerre – jusqu'à l'heure où les pompiers annonçaient que l'alerte était finie tandis qu'à côté d'eux la berloque, comme un invisible gamin, commentait à intervalles réguliers la bonne nouvelle et jetait en l'air son cri de joie.