Je vis d'ailleurs pas mal à cette époque Gilberte, avec laquelle je m'étais de nouveau lié : car notre vie, dans sa longueur, n'est pas calculée sur la vie de nos amitiés. Qu'une certaine période de temps s'écoule et l'on voit reparaître (de même qu'en politique d'anciens ministères, au théâtre des pièces oubliées qu'on reprend) des relations d'amitié renouées entre les mêmes personnes qu'autrefois, après de longues années d'interruption, et renouées avec plaisir. Au bout de dix ans les raisons que l'un avait de trop aimer, l'autre de ne pouvoir supporter un trop exigeant despotisme, ces raisons n'existent plus. La convenance seule subsiste, et tout ce que Gilberte m'eût refusé autrefois, elle me l'accordait aisément, sans doute parce que je ne le désirais plus. Ce qui lui avait semblé intolérable, impossible, sans que nous nous fussions jamais dit la raison du changement, elle était toujours prête à venir à moi, jamais pressée de me quitter ; c'est que l'obstacle avait disparu, mon amour.