c'est d'Albertine elle-même que je reçus ce télégramme :
« Mon ami, vous avez envoyé votre ami Saint-Loup à ma tante, ce qui était insensé. Mon cher ami, si vous aviez besoin de moi, pourquoi ne pas m'avoir écrit directement ? J'aurais été trop heureuse de revenir ; ne recommencez plus ces démarches absurdes. »
« J'aurais été trop heureuse de revenir ! » Si elle disait cela, c'est donc qu'elle regrettait d'être partie, qu'elle ne cherchait qu'un prétexte pour revenir. Donc je n'avais qu'à faire ce qu'elle me disait, à lui écrire que j'avais besoin d'elle, et elle reviendrait. J'allais donc la revoir, elle, l'Albertine de Balbec (car, depuis son départ, elle l'était redevenue pour moi. Comme un coquillage auquel on ne fait plus attention quand on l'a toujours sur sa commode, une fois qu'on s'en est séparé pour le donner ou l'ayant perdu et qu'on pense à lui, ce qu'on ne faisait plus, elle me rappelait toute la beauté joyeuse des montagnes bleues de la mer). Et ce n'est pas seulement elle qui était devenue un être d'imagination c'est-à-dire désirable, mais la vie avec elle qui était devenue une vie imaginaire c'est-à-dire affranchie de toutes difficultés, de sorte que je me disais : « Comme nous allons être heureux ! »