Mais à l’âge déjà un peu désabusé dont approchait Swann et où l’on sait se contenter d’être amoureux pour le plaisir de l’être sans trop exiger de réciprocité, ce rapprochement des coeurs, s’il n’est plus comme dans la première jeunesse le but vers lequel tend nécessairement l’amour, lui reste uni en revanche par une association d’idées si forte qu’il peut en devenir la cause, s’il se présente avant lui. Autrefois on rêvait de posséder le coeur de la femme dont on était amoureux ; plus tard, sentir qu’on possède le coeur d’une femme peut suffire à vous en rendre amoureux. Ainsi, à l’âge où il semblerait, comme on cherche surtout dans l’amour un plaisir subjectif, que la part du goût pour la beauté d’une femme devait y être la plus grande, l’amour peut naître – l’amour le plus physique – sans qu’il y ait eu, à sa base, un désir préalable.