Hitchcock | Je ne suis pas réaliste du tout. Je suis attiré par le fantastique. Je vois les choses larger than life

ALFRED HITCHCOCK à CLAUDE CHABROL

« Vous comprenez, le scénario pour moi est presque secondaire. Je fais le film avant de connaître l'histoire. Il m’apparaît comme une forme, une impression d'ensemble. Je ne cherche le scénario qu'après, et je le ramène à ce que j'ai en tête. »

CLAUDE CHABROL

— « Mais tous les scénarios ne vous conviennent pas ».

ALFRED HITCHCOCK

— « Non, non, bien sûr. J’en prends un que je peux ramener à ce que j’ai en tête et avec les écrivains (the writers), je le triture jusqu’à ce que ça me convienne. Et souvent, ça ne ressemble plus du tout à l'histoire du départ. J’ai choisi le roman dont est tiré Stage Fright parce que la petite jeune fille tombe amoureuse du détective et qu'elle ne sait plus très bien où elle en est. »

CLAUDE CHABROL

— « Et le milieu ? »

ALFRED HITCHCOCK

— « Il n’a pas d’importance en soi : les problèmes ont toujours et partout été les mêmes. Je soigne le milieu pour la crédibilité ».

CLAUDE CHABROL

— « Nous sommes loin du réalisme. »

ALFRED HITCHCOCK

— « Je ne suis pas réaliste du tout. Je suis attiré par le fantastique. Je vois les choses larger than life ».

CLAUDE CHABROL

— « Métaphysique ? »

ALFRED HITCHCOCK

— « Thank you. C’est pourquoi j'aime le mélodrame (qui n’est pas exactement le mélodrame, avec le sens péjoratif qui s’y attache, mais plutôt le drame à péripéties). Le réalisme, la vie montre les gens à une certaine hauteur, uniforme, le mélodrame les rabaisse au maximum et moi je cherche alors à les faire monter le plus haut possible ».

(Note de CLAUDE CHABROL : "Il fait des gestes étonnants, suivant ses paroles, traçant des plans horizontaux, puis élevant ses mains soudain, comme un geyser.")

Claude Chabrol, Histoire d'une interview,
CAHIERS DU CINEMA N°39, octobre 1954
Extrait