Marcel Proust | A la recherche du temps perdu
Texte : I II III IV V VI VII
Anthologie | Etude | Livre | Résumé
Antoine Compagnon : Proust pense toujours le jeu de l'imitation et de l'originalité dans des termes inspirés de Darwin, comme le montre la métaphore qu'il choisit aussitôt
Marcel Proust | Albertine tenait, liées autour d'elle, toutes les impressions d'une série maritime qui m'était particulièrement chère
Marcel Proust | Albertine. Je venais de l'entendre rire. Et ce rire évoquait aussitôt les roses carnations... âcre, sensuel et révélateur comme une odeur de géranium
Marcel Proust | Alors ma grand-mère éprouva la présence, en elle, d'une créature qui connaissait mieux le corps humain que ma grand-mère, la présence d'une contemporaine des races disparues
Marcel Proust | Alors ma vie fut entièrement changée. | A l'appel de moments identiques, la perpétuelle renaissance de moments anciens
Marcel Proust | art populaire ridicule | l'artiste ne peut servir la gloire de sa patrie qu'en étant artiste | il est aussi vain d'écrire spécialement pour le peuple que pour les enfants. Ce qui féconde un enfant, ce n'est pas un livre d'enfantillages
Marcel Proust | Au commencement d'un amour comme à sa fin, nous ne sommes pas exclusivement attachés à l'objet de cet amour | les diverses ondes sentimentales propagées en moi par ces jeunes filles
Marcel Proust | Au fur et à mesure que la saison s'avança, changea le tableau que j'y trouvais dans la fenêtre
Marcel Proust | avide de bonheur, ne demander rien d’autre à la vie que de se composer toujours d’une suite d’heureux après-midi | zone de tristesse sur le chemin du retour
Marcel Proust | blanche et vague constellation où l'on n'eût distingué deux yeux plus brillants, que pour les confondre au sein de la nébuleuse indistincte et lactée
Marcel Proust | c'est ce qui me rappelait la réalité de ces images, qui enflammait le plus mon désir, parce que c'était comme une promesse qu'il serait contenté
Marcel Proust | C'est dans la maladie que nous nous rendons compte que nous ne vivons pas seuls mais enchaînés à un être d'un règne différent : notre corps
Marcel Proust | ce cadre qu'autrefois mon amour de la nature m'eût fait trouver ennuyeux et factice, mais auquel sa peinture par Goethe avait donné pour moi une certaine beauté
Marcel Proust | ce livre essentiel, le seul livre vrai, un grand écrivain n'a pas, dans le sens courant, à l'inventer puisqu'il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire
Marcel Proust | ce même corps dans la souplesse duquel vivait toute la grâce féminine, marine et sportive, des jeunes filles que j'avais vues passer devant l'horizon du flot, je le tenais serré contre le mien, tout au bord de la mer
Marcel Proust | Ce mouvement oublié refit du corps qu'il anima, celui de cette Albertine qui me connaissait encore à peine. Il rendit à Albertine, cérémonieuse sous un air de brusquerie, sa nouveauté première
Marcel Proust | Ce ne fut pas elle que j'aimai, mais ç'aurait pu être elle. Et une des choses qui me rendirent peut-être le plus cruel le grand amour que j'allais bientôt avoir
Marcel Proust | ce petit raidillon que vous montiez autrefois
Marcel Proust | Ce travail de l'artiste, de chercher à apercevoir sous de la matière, sous de l'expérience, sous des mots quelque chose de différent
Marcel Proust | Celui qui veut entretenir en soi le désir de continuer à vivre doit se promener ; car les rues, les avenues, sont pleines de Déesses
Marcel Proust | certains jours la mer me semblait maintenant presque rurale elle-même
Marcel Proust | ces pommiers étaient là en pleine campagne comme des paysans, sur une grande route de France. C'était une journée de printemps
Marcel Proust | ces rencontres où les charmes de la passante sont généralement en relation directe avec la rapidité du passage
Marcel Proust | ces rues de Combray existent dans une partie de ma mémoire si reculée, que pouvoir encore traverser la rue Saint-Hilaire serait une entrée en contact avec l’Au-delà
Marcel Proust | ces soirs glorieux où les offices | ces demi-déesses
Marcel Proust | Cet amour entre femmes était quelque chose de trop inconnu | Curiosité douloureuse, inlassable, que j'avais des lieux où Albertine avait vécu | L'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au coeur
Marcel Proust | ceux qui se sont fait une vie intérieure ambiante ont peu égard à l'importance des événements | quelque chose qui semble en soi n'avoir aucune importance renverse pour eux l'ordre du temps
Marcel Proust | comme ces essences qu'ont libérées des destructions antérieures et qui errent en suspens dans l'air printanier
Marcel Proust | comme ces poètes qui remplissent leur prétendu Paradis de prairies, de fleurs, de rivières qui font double emploi avec celles de la Terre
Marcel Proust | C’étaient de ces chambres de province qui nous enchantent des mille odeurs qu’y dégagent les vertus, la sagesse, les habitudes, toute une vie secrète, invisible, surabondante et morale
Marcel Proust | Dans les personnes que nous aimons, il y a, immanent à elles, un certain rêve que nous ne savons pas toujours discerner mais que nous poursuivons
Marcel Proust | dans une lumière humide, hollandaise
Marcel Proust | Depuis que j'en avais vu dans des aquarelles d'Elstir, je cherchais à retrouver dans la réalité
Marcel Proust | Devant nous, dans le lointain, terre promise ou maudite, Roussainville, dans les murs duquel je n’ai jamais pénétré
Marcel Proust | en cette Albertine cloîtrée dans ma maison, loin de Balbec, subsistaient les désirs errants de la vie de bains de mer
Marcel Proust | entre les deux tableaux de Balbec, au premier séjour et au second, quelle différence !
Marcel Proust | Hudimesnil. Les trois arbres. Ce que tu n'apprends pas de nous aujourd'hui, tu ne le sauras jamais
Marcel Proust | Il avait fallu quitter Balbec en effet | Ce que je revis presque invariablement quand je pensai à Balbec
Marcel Proust | Il me semblait que la beauté des arbres c’était encore la sienne | la terre et les êtres je ne les séparais pas
Marcel Proust | il ne serait pas sorti de chez moi vivant. Il fallait que l'un de nous deux disparût. J'étais décidé à le tuer
Marcel Proust | Il y avait des jours où le bruit d'une cloche qui sonnait l'heure portait sur la sphère de sa sonorité
Marcel Proust | ils avaient l'air d'une bande d'anthropophages chez qui une blessure faite à un blanc a réveillé le goût du sang. Car l'instinct d'imitation et l'absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules
Marcel Proust | j'ai été forcé d'amincir la chose et d'être mensonger, mais ce n'est pas un univers, c'est des millions, presque autant qu'il existe de prunelles et d'intelligences humaines, qui s'éveillent tous les matins
Marcel Proust | J'aurais bien voulu, avant de l'embrasser, pouvoir la remplir à nouveau du mystère qu'elle avait pour moi sur la plage avant que je la connusse
Marcel Proust | j'étais touché par ce que ces chrysanthèmes avaient moins d'éphémère que de relativement durable
Marcel Proust | je découvrais cette action destructrice du Temps au moment même où je voulais entreprendre de rendre claires, d'intellectualiser dans une oeuvre d'art, des réalités extra-temporelles
Marcel Proust | je les regardais avec une curiosité passionnée, dans cet éclairage aveuglant de la plage où les proportions sociales sont changées
Marcel Proust | Je ressentis devant elle ce désir de vivre qui renaît en nous chaque fois que nous prenons de nouveau conscience de la beauté et du bonheur
Marcel Proust | Je sentis son odeur de pétrole. Symbole de bondissement et de puissance et qui renouvelait le désir que j'avais eu à Balbec. Viens déjeuner à la campagne
Marcel Proust | l'automobile qui ne respecte aucun mystère | sentir d'une main plus amoureusement exploratrice, la véritable géométrie, la belle mesure de la terre
Marcel Proust | l'existence n'a guère d'intérêt que dans les journées où la poussière des réalités est mêlée de sable magique, où quelque vulgaire incident devient un ressort romanesque
Marcel Proust | La fin de la jalousie | il y a entre ton cou et ma bouche, entre tes oreilles et mes moustaches, entre tes mains et mes mains des petites amitiés particulières
Marcel Proust | la lune étroite et recourbée comme un sequin semblait mettre le ciel parisien sous le signe oriental du croissant
Marcel Proust | la maison de Jupien, cette maison sur laquelle M. de Charlus eût pu prophétiquement écrire « Sodoma »
Marcel Proust | la mer nue
Marcel Proust | la nature immémoriale, restée contemporaine des grands phénomènes géologiques | je contemplais le flot immémorial qui déroulait déjà sa même vie mystérieuse avant l'apparition de l'espèce humaine | la plaintive aïeule de la terre
Marcel Proust | La nature ne semble guère capable de donner que des maladies assez courtes. Mais la médecine s'est annexé l'art de les prolonger
Marcel Proust | la petite madeleine | le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul | tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé
Marcel Proust | la vraie Gilberte, la vraie Albertine, c'étaient peut-être celles qui s'étaient au premier instant livrées dans leur regard, l'une devant la haie d'épines roses, l'autre sur la plage. Je les avais ratées
Marcel Proust | La vraie variété est dans cette plénitude d'éléments réels et inattendus, dans le rameau chargé de fleurs bleues qui s'élance contre toute attente
Marcel Proust | la vue d'un seul coquelicot me faisait battre le coeur
Marcel Proust | le caoutchouc d'Albertine dans lequel elle semblait devenue une autre personne, l'infatigable errante des jours pluvieux | la tunique guerrière de caoutchouc qui faisait bomber ses seins | l'Albertine encaoutchoutée
Marcel Proust | le charme inséparable, la flore caractéristique de Balbec
Marcel Proust | le clair de lune, d'argenté autrefois, était devenu bleu avec Chateaubriand, pour redevenir jaune et métallique avec Baudelaire
Marcel Proust | le côté de Méséglise et le côté de Guermantes, gisements profonds de mon sol mental | parce que je croyais aux choses, aux êtres | inattingibles lointains
Marcel Proust | Le Figaro dans A la recherche du temps perdu
Marcel Proust | le monde où étaient cette chambre et ces bibliothèques, et dans lequel Albertine était si peu de chose, était peut-être un monde intellectuel, qui était la seule réalité
Marcel Proust | le paysage moral
Marcel Proust | le plus enivrant des romans d'amour, l'indicateur des chemins de fer
Marcel Proust | Le septuor de Vinteuil | chef-d'oeuvre triomphal et complet | plus merveilleuse qu'une adolescente, la petite phrase, vint à moi, reconnaissable sous ces parures nouvelles
Marcel Proust | Le soleil tout à coup jaunissait cette mousseline de verre, la dorait et, découvrant doucement en moi un jeune homme plus ancien qu'avait caché longtemps l'habitude, me grisait de souvenirs
Marcel Proust | les beautés des paysages ou du grand art. Je n'étais avide de connaître que ce que je croyais plus vrai que moi-même | Balbec réel, rêvé | le nord de l'Italie
Marcel Proust | Les changements de l'atmosphère en provoquent d'autres dans l'homme intérieur, réveillent des moi oubliés, contrarient l'assoupissement de l'habitude
Marcel Proust | les odeurs que j'y trouverais en arrivant, l'odeur du compotier de cerises et d'abricots, du cidre, du fromage de gruyère
Marcel Proust | les rochers dénudés, la mer qu'on apercevait par leurs déchirures, flottèrent comme des fragments d'un autre univers : le paysage montagneux et marin qu'Elstir...
Marcel Proust | les sources de la Vivonne
Marcel Proust | Lettres de Gilberte, 1914, 1916 | La bataille de Méséglise a duré plus de huit mois
Marcel Proust | Lié qu'il était à toutes les saisons, pour que je perdisse le souvenir d'Albertine, il aurait fallu que je les oubliasse toutes
Marcel Proust | ma chambre ne contenait-elle pas une oeuvre d'art plus précieuse que toutes celles-là ? C'était Albertine elle-même. Je la regardais
Marcel Proust | Mais alors, il y a une différence immense entre une toilette de Callot et celle d'un couturier quelconque ? demandai-je à Albertine. – Mais énorme, mon petit bonhomme. – Parfaitement, répondit Elstir
Marcel Proust | Marcouville-l'Orgueilleuse restaurée | l'inimitable beauté des vieilles pierres | Elstir en contradiction avec son propre impressionnisme quand il retire ainsi ces monuments de l'impression globale où ils sont compris
Marcel Proust | Mlle de Saint-Loup
Marcel Proust | Mlle de Stermaria | Mlle ou plutôt Mme de Stermaria, car elle avait divorcé après trois mois de mariage | Vicomtesse Alix de Stermaria
Marcel Proust | Mme Elstir | Ma belle Gabrielle ! | elle était une créature immatérielle, un portrait d'Elstir | il avait adoré en Mme Elstir le type de beauté un peu lourde qu'il avait poursuivi, caressé dans ses peintures
Marcel Proust | Mme Swann se promenait dans l'avenue du Bois comme dans l'allée d'un jardin à elle
Marcel Proust | mon sort était de ne poursuivre que des fantômes, des êtres dont la réalité pour une bonne part était dans mon imagination
Marcel Proust | Normandie | dans un éteignement sommeilleux de toutes les couleurs où la lumière ne serait plus donnée que par une mer presque caillée ayant le bleuâtre du petit lait
Marcel Proust | Nostalgie
Marcel Proust | notre sagesse commence où celle de l’auteur finit | La lecture est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous y introduire : elle ne la constitue pas | Sur la lecture
Marcel Proust | notre vie sociale est, comme un atelier d'artiste, remplie des ébauches délaissées où nous avions cru un moment pouvoir fixer notre besoin d'un grand amour
Marcel Proust | nous menait d'un nom à un autre nom
Marcel Proust | nous ne connaissons vraiment que ce que nous sommes obligés de recréer par la pensée
Marcel Proust | Ouverture | Longtemps, je me suis couché de bonne heure
Marcel Proust | Par contre
Marcel Proust | quand des impressions vraiment esthétiques m'étaient venues, ç'avait toujours été à la suite de sensations de ce genre
Marcel Proust | quand quelque ancien moi, plein du désir de vivre avec allégresse, remplaçait pour un instant le moi actuel
Marcel Proust | Que connaissais-je d'Albertine ? Un ou deux profils sur la mer
Marcel Proust | Que de fois j'avais traversé pour aller chercher Albertine, que de fois j'avais repris, au retour avec elle, la grande plaine de Cricqueville
Marcel Proust | Que le jour est lent à mourir par ces soirs démesurés de l'été ! | quand la nuit finirait-elle ?
Marcel Proust | quelque chose de solide subsiste, c'est ce qu'on cherchait. On commence à dégager, à connaître ce qu'on aime
Marcel Proust | redevenue plane après avoir englouti un être, s'étend, sans même un remous à cette place-là, une réalité d'où cet être est exclu
Marcel Proust | Sans doute mes livres eux aussi, comme mon être de chair, finiraient un jour par mourir. Mais il faut se résigner à mourir
Marcel Proust | Ses longs yeux bleus semblaient être passés à l'état liquide. Si bien que, quand elle les fermait, c'était comme quand avec des rideaux on empêche de voir la mer
Marcel Proust | seule la perception grossière et erronée place tout dans l'objet, quand tout est dans l'esprit
Marcel Proust | Si un peu de rêve est dangereux, ce qui en guérit, ce n'est pas moins de rêve, mais plus de rêve, mais tout le rêve
Marcel Proust | Tolstoï dieu serein | chez Tolstoï tout est naturellement plus grand | Tour à tour, on aime autre chose dans cet univers | Cette oeuvre n’est pas d’observation mais de construction intellectuelle
Marcel Proust | tout le tapis des sous-bois qu'Elstir croyait avoir sous les yeux comme une zone imaginaire qu'enclavait dans son atelier la limpide odeur de la fleur évocatrice
Marcel Proust | un être extra-temporel | un peu de temps à l'état pur. L'être qui était rené en moi | résurrections du passé | faire une oeuvre d'art
Marcel Proust | un mystère presque aussi troublant que celui de la mort dont il est, du reste, comme la préface et l'annonciateur
Marcel Proust | Violante | Contemplant cette mer qui l’enlevait à elle et lui donnait, dans l’imagination de la jeune fille, un peu de son grand charme mystérieux et triste, charme des choses qui ne sont pas à nous
Marcel Proust | Violante | D’objet d’art elle devint objet de luxe par cette naturelle inclinaison des choses d’ici-bas à descendre au pire quand un noble effort ne maintient pas leur centre de gravité comme au-dessus d’elles-mêmes
Marcel Proust | Violante | Les besoins profonds d’imaginer, de créer, de vivre seule et par la pensée, et aussi de se dévouer, n’étaient plus assez impérieux pour la faire changer de vie. | L'habitude
Marcel Proust, 1919 | Felix culpa : la nature invente au besoin des névroses protectrices, pour que le don nécessaire ne soit pas laissé en friche
Marcel Proust, 1922 | nous n'aurions pas dû avoir besoin du cataclysme pour aimer aujourd'hui la vie. Il aurait suffi de penser que nous sommes des humains et que ce soir peut venir la mort
Nietzsche, Proust, Chardin, Elstir, Valéry | Ce qu’il faut apprendre des artistes / Chardin entre comme la lumière / Apportons la lumière à la terre, soyons la lumière / Je serai de ceux qui rendent belles les choses / J'essayais de trouver la beauté
Robert-Ernst Curtius | Marcel Proust. Grand art. Des oeuvres qui naissent comme en dehors des préoccupations littéraires de l'époque. Nées de l'effort original d'un puissant esprit penché sur la vie même. L'art sera la vie, et inversement