Nietzsche | Also sprach Zarathustra | 02 - Die Reden Zarathustra’s. Von den drei Verwandlungen / Les trois métamorphoses

 

Die Reden Zarathustra’s.

Von den drei Verwandlungen.

Drei Verwandlungen nenne ich euch des Geistes: wie der Geist zum Kameele wird, und zum Löwen das Kameel, und zum Kinde zuletzt der Löwe.

Vieles Schwere giebt es dem Geiste, dem starken, tragsamen Geiste, dem Ehrfurcht innewohnt: nach dem Schweren und Schwersten verlangt seine Stärke.

Was ist schwer? so fragt der tragsame Geist, so kniet er nieder, dem Kameele gleich, und will gut beladen sein.

Was ist das Schwerste, ihr Helden? so fragt der tragsame Geist, dass ich es auf mich nehme und meiner Stärke froh werde.

Ist es nicht das: sich erniedrigen, um seinem Hochmuth wehe zu thun? Seine Thorheit leuchten lassen, um seiner Weisheit zu spotten?

Oder ist es das: von unserer Sache scheiden, wenn sie ihren Sieg feiert? Auf hohe Berge steigen, um den Versucher zu versuchen?

Oder ist es das: sich von Eicheln und Gras der Erkenntniss nähren und um der Wahrheit willen an der Seele Hunger leiden?

Oder ist es das: krank sein und die Tröster heimschicken und mit Tauben Freundschaft schliessen, die niemals hören, was du willst?

Oder ist es das: in schmutziges Wasser steigen, wenn es das Wasser der Wahrheit ist, und kalte Frösche und heisse Kröten nicht von sich weisen?

Oder ist es das: Die lieben, die uns verachten, und dem Gespenste die Hand reichen, wenn es uns fürchten machen will?

Alles diess Schwerste nimmt der tragsame Geist auf sich: dem Kameele gleich, das beladen in die Wüste eilt, also eilt er in seine Wüste.

Aber in der einsamsten Wüste geschieht die zweite Verwandlung: zum Löwen wird hier der Geist, Freiheit will er sich erbeuten und Herr sein in seiner eignen Wüste.

Seinen letzten Herrn sucht er sich hier: feind will er ihm werden und seinem letzten Gotte, um Sieg will er mit dem grossen Drachen ringen.

Welches ist der grosse Drache, den der Geist nicht mehr Herr und Gott heissen mag? „Du-sollst“ heisst der grosse Drache. Aber der Geist des Löwen sagt „ich will“.

„Du-sollst“ liegt ihm am Wege, goldfunkelnd, ein Schuppenthier, und auf jeder Schuppe glänzt golden „Du sollst!“

Tausendjährige Werthe glänzen an diesen Schuppen, und also spricht der mächtigste aller Drachen: „aller Werth der Dinge — der glänzt an mir.“

„Aller Werth ward schon geschaffen, und aller geschaffene Werth — das bin ich. Wahrlich, es soll kein „Ich will“ mehr geben!“ Also spricht der Drache.

Meine Brüder, wozu bedarf es des Löwen im Geiste? Was genügt nicht das lastbare Thier, das entsagt und ehrfürchtig ist?

Neue Werthe schaffen — das vermag auch der Löwe noch nicht: aber Freiheit sich schaffen zu neuem Schaffen — das vermag die Macht des Löwen.

Freiheit sich schaffen und ein heiliges Nein auch vor der Pflicht: dazu, meine Brüder, bedarf es des Löwen.

Recht sich nehmen zu neuen Werthen — das ist das furchtbarste Nehmen für einen tragsamen und ehrfürchtigen Geist. Wahrlich, ein Rauben ist es ihm und eines raubenden Thieres Sache.

Als sein Heiligstes liebte er einst das „Du-sollst“: nun muss er Wahn und Willkür auch noch im Heiligsten finden, dass er sich Freiheit raube von seiner Liebe: des Löwen bedarf es zu diesem Raube.

Aber sagt, meine Brüder, was vermag noch das Kind, das auch der Löwe nicht vermochte? Was muss der raubende Löwe auch noch zum Kinde werden?

Unschuld ist das Kind und Vergessen, ein Neubeginnen, ein Spiel, ein aus sich rollendes Rad, eine erste Bewegung, ein heiliges Ja-sagen.

Ja, zum Spiele des Schaffens, meine Brüder, bedarf es eines heiligen Ja-sagens: seinen Willen will nun der Geist, seine Welt gewinnt sich der Weltverlorene.

Drei Verwandlungen nannte ich euch des Geistes: wie der Geist zum Kameele ward, und zum Löwen das Kameel, und der Löwe zuletzt zum Kinde. — —

Also sprach Zarathustra. Und damals weilte er in der Stadt, welche genannt wird: die bunte Kuh.

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-- Traduction française, par Henri Albert --

Les discours de Zarathoustra

Les trois métamorphoses

Je vais vous dire trois métamorphoses de l’esprit : comment l’esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et comment enfin le lion devient enfant.

Il est maint fardeau pesant pour l’esprit, pour l’esprit patient et vigoureux en qui domine le respect : sa vigueur réclame le fardeau pesant, le plus pesant.

Qu’y a-t-il de pesant ? ainsi interroge l’esprit robuste ; et il s'agenouille comme le chameau et veut un bon chargement.

Qu’y a-t-il de plus pesant ! ainsi interroge l’esprit robuste, dites-le, ô héros, afin que je le charge sur moi et que ma force se réjouisse.

N’est-ce pas cela : s’humilier pour faire souffrir son orgueil ? Faire luire sa folie pour tourner en dérision sa sagesse ?

Ou bien est-ce cela : déserter une cause, au moment où elle célèbre sa victoire ? Monter sur de hautes montagnes pour tenter le tentateur ?

Ou bien est-ce cela : se nourrir des glands et de l’herbe de la connaissance, et souffrir la faim dans son âme, pour l’amour de la vérité ?
Ou bien est-ce cela : être malade et renvoyer les consolateurs, se lier d’amitié avec des sourds qui n’entendent jamais ce que tu veux ?

Ou bien est-ce cela : descendre dans l’eau sale si c’est l’eau de la vérité et ne point repousser les grenouilles visqueuses et les purulents crapauds ?

Ou bien est-ce cela : aimer qui nous méprise et tendre la main au fantôme lorsqu’il veut nous effrayer ?

L’esprit robuste charge sur lui tous ces fardeaux pesants : tel le chameau qui sitôt chargé se hâte vers le désert, ainsi lui se hâte vers son désert.

Mais au fond du désert le plus solitaire s’accomplit la seconde métamorphose : ici l’esprit devient lion, il veut conquérir la liberté et être maître de son propre désert.

Il cherche ici son dernier maître : il veut être l’ennemi de ce maître, comme il est l’ennemi de son dernier dieu ; il veut lutter pour la victoire avec le grand dragon.

Quel est le grand dragon que l’esprit ne veut plus appeler ni dieu ni maître ? « Tu dois », s’appelle le grand dragon. Mais l’esprit du lion dit : « Je veux. »

« Tu dois » le guette au bord du chemin, étincelant d’or sous sa carapace aux mille écailles, et sur chaque écaille brille en lettres dorées : « Tu dois ! »

Des valeurs de mille années brillent sur ces écailles et ainsi parle le plus puissant de tous les dragons : « Tout ce qui est valeur — brille sur moi. »

Tout ce qui est valeur a déjà été créé, et c’est moi qui représente toutes les valeurs créées. En vérité il ne doit plus y avoir de « Je veux » ! Ainsi parle le dragon.

Mes frères, pourquoi est-il besoin du lion de l’esprit ? La bête robuste qui s’abstient et qui est respectueuse ne suffit-elle pas ?

Créer des valeurs nouvelles — le lion même ne le peut pas encore : mais se rendre libre pour la création nouvelle — c’est ce que peut la puissance du lion.

Se faire libre, opposer une divine négation, même au devoir : telle, mes frères, est la tâche où il est besoin du lion.

Conquérir le droit de créer des valeurs nouvelles — c’est la plus terrible conquête pour un esprit patient et respectueux. En vérité, c’est là un acte féroce, pour lui, et le fait d’une bête de proie.

Il aimait jadis le « Tu dois » comme son bien le plus sacré : maintenant il lui faut trouver l’illusion et l’arbitraire, même dans ce bien le plus sacré, pour qu’il fasse, aux dépens de son amour, la conquête de la liberté : il faut un lion pour un pareil rapt.

Mais, dites-moi, mes frères, que peut faire l’enfant que le lion ne pouvait faire ? Pourquoi faut-il que le lion ravisseur devienne enfant ?

L’enfant est innocence et oubli, un renouveau et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, un premier mouvement, une sainte affirmation.

Oui, pour le jeu divin de la création, ô mes frères, il faut une sainte affirmation : l’esprit veut maintenant sa propre volonté, celui qui a perdu le monde veut gagner son propre monde.

Je vous ai nommé trois métamorphoses de l’esprit : comment l’esprit devient chameau, comment l’esprit devient lion, et comment enfin le lion devient enfant. —

Ainsi parlait Zarathoustra. Et en ce temps-là il séjournait dans la ville qu’on appelle : la Vache multicolore.

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Edition bilingue
Texte original allemand suivi de la traduction française