Nietzsche | Also sprach Zarathustra | 59 - Von der grossen Sehnsucht / Du grand désir

 

Von der grossen Sehnsucht.

Oh meine Seele, ich lehrte dich „Heute“ sagen wie „Einst“ und „Ehemals“ und über alles Hier und Da und Dort deinen Reigen hinweg tanzen.

Oh meine Seele, ich erlöste dich von allen Winkeln, ich kehrte Staub, Spinnen und Zwielicht von dir ab.

Oh meine Seele, ich wusch die kleine Scham und die Winkel-Tugend von dir ab und überredete dich, nackt vor den Augen der Sonne zu stehn.

Mit dem Sturme, welcher „Geist“ heisst, blies ich über deine wogende See; alle Wolken blies ich davon, ich erwürgte selbst die Würgerin, die „Sünde“ heisst.

Oh meine Seele, ich gab dir das Recht, Nein zu sagen wie der Sturm und Ja zu sagen wie offner Himmel Ja sagt: still wie Licht stehst du und gehst du nun durch verneinende Stürme.

Oh meine Seele, ich gab dir die Freiheit zurück über Erschaffnes und Unerschaffnes: und wer kennt, wie du sie kennst, die Wollust des Zukünftigen?

Oh meine Seele, ich lehrte dich das Verachten, das nicht wie ein Wurmfrass kommt, das grosse, das liebende Verachten, welches am meisten liebt, wo es am meisten verachtet.

Oh meine Seele, ich lehrte dich so überreden, dass du zu dir die Gründe selber überredest: der Sonne gleich, die das Meer noch zu seiner Höhe überredet.

Oh meine Seele, ich nahm von dir alles Gehorchen Kniebeugen und Herr-Sagen; ich gab dir selber den Namen „Wende der Noth“ und „Schicksal“.

Oh meine Seele, ich gab dir neue Namen und bunte Spielwerke, ich hiess dich „Schicksal“ und „Umfang der Umfänge“ und „Nabelschnur der Zeit“ und „azurne Glocke“.

Oh meine Seele, deinem Erdreich gab ich alle Weisheit zu trinken, alle neuen Weine und auch alle unvordenklich alten starken Weine der Weisheit.

Oh meine Seele, jede Sonne goss ich auf dich und jede Nacht und jedes Schweigen und jede Sehnsucht: — da wuchsest du mir auf wie ein Weinstock.

Oh meine Seele, überreich und schwer stehst du nun da, ein Weinstock mit schwellenden Eutern und gedrängten braunen Gold-Weintrauben: —

— gedrängt und gedrückt von deinem Glücke, wartend vor Überflusse und schamhaft noch ob deines Wartens.

Oh meine Seele, es giebt nun nirgends eine Seele, die liebender wäre und umfangender und umfänglicher! Wo wäre Zukunft und Vergangnes näher beisammen als bei dir?

Oh meine Seele, ich gab dir Alles, und alle meine Hände sind an dich leer geworden: — und nun! Nun sagst du mir lächelnd und voll Schwermuth: „Wer von uns hat zu danken? —

— hat der Geber nicht zu danken, dass der Nehmende nahm? Ist Schenken nicht eine Nothdurft? Ist Nehmen nicht — Erbarmen?“ —

Oh meine Seele, ich verstehe das Lächeln deiner Schwermuth: dein Über-Reichthum selber streckt nun sehnende Hände aus!

Deine Fülle blickt über brausende Meere hin und sucht und wartet; die Sehnsucht der Über-Fülle blickt aus deinem lächelnden Augen-Himmel!

Und wahrlich, oh meine Seele! Wer sähe dein Lächeln und schmölze nicht vor Thränen? Die Engel selber schmelzen vor Thränen ob der Über-Güte deines Lächelns.

Deine Güte und Über-Güte ist es, die nicht klagen und weinen will: und doch sehnt sich, oh meine Seele, dein Lächeln nach Thränen und dein zitternder Mund nach Schluchzen.

„Ist alles Weinen nicht ein Klagen? Und alles Klagen nicht ein Anklagen?“ Also redest du zu dir selber, und darum willst du, oh meine Seele, lieber lächeln, als dein Leid ausschütten

— in stürzende Thränen ausschütten all dein Leid über deine Fülle und über all die Drängniss des Weinstocks nach Winzer und Winzermesser!

Aber willst du nicht weinen, nicht ausweinen deine purpurne Schwermuth, so wirst du singen müssen, oh meine Seele! — Siehe, ich lächle selber, der ich dir solches vorhersage:

— singen, mit brausendem Gesange, bis alle Meere still werden, dass sie deiner Sehnsucht zuhorchen, —

— bis über stille sehnsüchtige Meere der Nachen schwebt, das güldene Wunder, um dessen Gold alle guten schlimmen wunderlichen Dinge hüpfen: —

— auch vieles grosse und kleine Gethier und Alles, was leichte wunderliche Füsse hat, dass es auf veilchenblauen Pfaden laufen kann, —

— hin zu dem güldenen Wunder, dem freiwilligen Nachen und zu seinem Herrn: das aber ist der Winzer, der mit diamantenem Winzermesser wartet, —

— dein grosser Löser, oh meine Seele, der Namenlose — — dem zukünftige Gesänge erst Namen finden! Und wahrlich, schon duftet dein Athem nach zukünftigen Gesängen, —

— schon glühst du und träumst, schon trinkst du durstig an allen tiefen klingenden Trost-Brunnen, schon ruht deine Schwermuth in der Seligkeit zukünftiger Gesänge! — —

Oh meine Seele, nun gab ich dir Alles und auch mein Letztes, und alle meine Hände sind an dich leer geworden: — dass ich dich singen hiess, siehe, das war mein Letztes!

Dass ich dich singen hiess, sprich nun, sprich: wer von uns hat jetzt — zu danken? — Besser aber noch: singe mir, singe, oh meine Seele! Und mich lass danken! —

Also sprach Zarathustra.

 

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-- Traduction française, par Henri Albert --

Du grand désir

Ô mon âme, je t’ai appris à dire « aujourd’hui », comme « autrefois » et « jadis », et à danser ta ronde par-dessus tout ce qui était ici, là et là-bas.

Ô mon âme, je t’ai délivrée de tous les recoins, j’ai éloigné de toi la poussière, les araignées et le demi-jour.

Ô mon âme, j’ai lavé de toi toute petite pudeur et la vertu des recoins et je t’ai persuadée d’être nue devant les yeux du soleil.
Avec la tempête qui s’appelle « esprit », j’ai soufflé sur ta mer houleuse ; j’en ai chassé tous les nuages et j’ai même étranglé l’égorgeur qui s’appelle « péché ».

Ô mon âme, je t’ai donné le droit de dire « non », comme la tempête, et de dire « oui » comme dit « oui » le ciel ouvert : tu es maintenant calme comme la lumière et tu passes à travers les tempêtes négatrices.

Ô mon âme, je t’ai rendu la liberté sur ce qui est créé et sur ce qui est incréé : et qui connaît comme toi la volupté de l’avenir ?

Ô mon âme, je t’ai enseigné le mépris qui ne vient pas comme la vermoulure, le grand mépris aimant qui aime le plus où il méprise le plus.

Ô mon âme, je t’ai appris à persuader de telle sorte que les causes mêmes se rendent à ton avis : semblable au soleil qui persuade même la mer à monter à sa hauteur.

Ô mon âme, j’ai enlevé de toi toute obéissance, toute génuflexion et toute servilité ; je t’ai donné moi-même le nom de « trêve de misère » et de « destinée ».

Ô mon âme, je t’ai donné des noms nouveaux et des jouets multicolores, je t’ai appelée « destinée », et « circonférence des circonférences », et « nombril du temps », et « cloche d’azur ».

Ô mon âme, j’ai donné toute la sagesse à boire à ton domaine terrestre, tous les vins nouveaux et aussi les vins de la sagesse, les vins qui étaient forts de temps immémorial.
Ô mon âme, j’ai versé sur toi toutes les clartés et toutes les obscurités, tous les silences et tous les désirs : — alors tu as grandi pour moi comme un cep de vigne.

Ô mon âme, tu es là maintenant, lourde et pleine d’abondance, un cep de vigne aux mamelles gonflées, chargé de grappes de raisin pleines et d’un brun doré : —

— pleine et écrasée de ton bonheur, dans l’attente et dans l’abondance, honteuse encore dans ton attente.

Ô mon âme, il n’y a maintenant plus nulle part d’âme qui soit plus aimante, plus enveloppante et plus large ! Où donc l’avenir et le passé seraient-ils plus près l’un de l’autre que chez toi ?

Ô mon âme, je t’ai tout donné et toutes mes mains se sont dépouillées pour toi : — et maintenant ! Maintenant tu me dis en souriant, pleine de mélancolie : « Qui de nous deux doit dire merci ? —

— n’est-ce pas au donateur de remercier celui qui a accepté d’avoir bien voulu prendre ? N’est-ce pas un besoin de donner ? N’est-ce pas — pitié de prendre ? » —

Ô mon âme, je comprends le sourire de ta mélancolie : ton abondance tend maintenant elle-même les mains, pleines de désirs !

Ta plénitude jette ses regards sur les mers mugissantes, elle cherche et attend ; le désir infini de la plénitude jette un regard à travers le ciel souriant de tes yeux !
Et, en vérité, ô mon âme ! Qui donc verrait ton sourire sans fondre en larmes ? Les anges eux-mêmes fondent en larmes à cause de la trop grande bonté de ton sourire.

C’est ta bonté, ta trop grande bonté, qui ne veut ni se lamenter, ni pleurer : et pourtant, ô mon âme, ton sourire désire les larmes, et ta bouche tremblante les sanglots.

« Toute larme n’est-elle pas une plainte ? Et toute plainte une accusation ? » C’est ainsi que tu te parles à toi-même et c’est pourquoi tu préfères sourire, ô mon âme, sourire que de répandre ta peine —

— répandre en des flots de larmes toute la peine que te cause ta plénitude et toute l’anxiété de la vigne qui la fait soupirer après le vigneron et la serpe du vigneron !

Mais si tu ne veux pas pleurer, pleurer jusqu’à l’épuisement ta mélancolie de pourpre, il faudra que tu chantes, ô mon âme ! — Vois-tu, je souris moi-même, moi qui t’ai prédit cela :

— chanter d’une voix mugissante, jusqu’à ce que toutes les mers deviennent silencieuses, pour ton grand désir, —

— jusqu’à ce que, sur les mers silencieuses et ardentes, plane la barque, la merveille dorée, dont l’or s’entoure du sautillement de toutes les choses bonnes, malignes et singulières : —

— et de beaucoup d’animaux, grands et petits, et de tout ce qui a des jambes légères et singulières, pour pouvoir courir sur des sentiers de violettes, —

— vers la merveille dorée, vers la barque volontaire et vers son maître : mais c’est lui qui est le vigneron qui attend avec sa serpe de diamant, —

— ton grand libérateur, ô mon âme, l’ineffable — — pour qui seuls les chants de l’avenir sauront trouver des noms ! Et, en vérité, déjà ton haleine a le parfum des chants de l’avenir, —

— déjà tu brûles et tu rêves, déjà ta soif boit à tous les puits consolateurs aux échos graves, déjà ta mélancolie se repose dans la béatitude des chants de l’avenir ! — —

Ô mon âme, je t’ai tout donné, et même ce qui était mon dernier bien, et toutes mes mains se sont dépouillées pour toi : — que je t’aie dit de chanter, voici, ce fut mon dernier don !

Que je t’aie dit de chanter, parle donc, parle : qui de nous deux maintenant doit dire — merci ? — Mieux encore : chante pour moi, chante mon âme ! Et laisse-moi te remercier ! —

Ainsi parlait Zarathoustra.

 

Edition bilingue
Texte original allemand suivi de la traduction française