Nietzsche | Also sprach Zarathustra | 09 - Vom Baum am Berge / De l’arbre sur la montagne

 

Vom Baum am Berge.

Zarathustra’s Auge hatte gesehn, dass ein Jüngling ihm auswich. Und als er eines Abends allein durch die Berge gieng, welche die Stadt umschliessen, die genannt wird „die bunte Kuh“: siehe, da fand er im Gehen diesen Jüngling, wie er an einen Baum gelehnt sass und müden Blickes in das Thal schaute. Zarathustra fasste den Baum an, bei welchem der Jüngling sass, und sprach also:

Wenn ich diesen Baum da mit meinen Händen schütteln wollte, ich würde es nicht vermögen.

Aber der Wind, den wir nicht sehen, der quält und biegt ihn, wohin er will. Wir werden am schlimmsten von unsichtbaren Händen gebogen und gequält.

Da erhob sich der Jüngling bestürzt und sagte: „ich höre Zarathustra und eben dachte ich an ihn.“ Zarathustra entgegnete:

„Was erschrickst du desshalb? — Aber es ist mit dem Menschen wie mit dem Baume.

Je mehr er hinauf in die Höhe und Helle will, um so stärker streben seine Wurzeln erdwärts, abwärts, in’s Dunkle, Tiefe, — in’s Böse.“

„Ja in’s Böse! rief der Jüngling. Wie ist es möglich, dass du meine Seele entdecktest?“

Zarathustra lächelte und sprach: „Manche Seele wird man nie entdecken, es sei denn, dass man sie zuerst erfindet.“

„Ja in’s Böse! rief der Jüngling nochmals.

Du sagtest die Wahrheit, Zarathustra. Ich traue mir selber nicht mehr, seitdem ich in die Höhe will, und Niemand traut mir mehr, — wie geschieht diess doch?

Ich verwandele mich zu schnell: mein Heute widerlegt mein Gestern. Ich überspringe oft die Stufen, wenn ich steige, — das verzeiht mir keine Stufe.

Bin ich oben, so finde ich mich immer allein. Niemand redet mit mir, der Frost der Einsamkeit macht mich zittern. Was will ich doch in der Höhe?

Meine Verachtung und meine Sehnsucht wachsen mit einander; je höher ich steige, um so mehr verachte ich Den, der steigt. Was will er doch in der Höhe?

Wie schäme ich mich meines Steigens und Stolperns! Wie spotte ich meines heftigen Schnaubens! Wie hasse ich den Fliegenden! Wie müde bin ich in der Höhe!“

Hier schwieg der Jüngling. Und Zarathustra betrachtete den Baum, an dem sie standen, und sprach also:

Dieser Baum steht einsam hier am Gebirge; er wuchs hoch hinweg über Mensch und Thier.

Und wenn er reden wollte, er würde Niemanden haben, der ihn verstünde: so hoch wuchs er.

Nun wartet er und wartet, — worauf wartet er doch? Er wohnt dem Sitze der Wolken zu nahe: er wartet wohl auf den ersten Blitz?

Als Zarathustra diess gesagt hatte, rief der Jüngling mit heftigen Gebärden: „Ja, Zarathustra, du sprichst die Wahrheit. Nach meinem Untergange verlangte ich, als ich in die Höhe wollte, und du bist der Blitz, auf den ich wartete! Siehe, was bin ich noch, seitdem du uns erschienen bist? Der Neid auf dich ist’s, der mich zerstört hat!“ — So sprach der Jüngling und weinte bitterlich. Zarathustra aber legte seinen Arm um ihn und führte ihn mit sich fort.

Und als sie eine Weile mit einander gegangen waren, hob Zarathustra also an zu sprechen:

Es zerreisst mir das Herz. Besser als deine Worte es sagen, sagt mir dein Auge alle deine Gefahr.

Noch bist du nicht frei, du suchst noch nach Freiheit. Übernächtig machte dich dein Suchen und überwach.

In die freie Höhe willst du, nach Sternen dürstet deine Seele. Aber auch deine schlimmen Triebe dürsten nach Freiheit.

Deine wilden Hunde wollen in die Freiheit; sie bellen vor Lust in ihrem Keller, wenn dein Geist alle Gefängnisse zu lösen trachtet.

Noch bist du mir ein Gefangner, der sich Freiheit ersinnt: ach, klug wird solchen Gefangnen die Seele, aber auch arglistig und schlecht.

Reinigen muss sich noch der Befreite des Geistes. Viel Gefängniss und Moder ist noch in ihm zurück: rein muss noch sein Auge werden.

Ja, ich kenne deine Gefahr. Aber bei meiner Liebe und Hoffnung beschwöre ich dich: wirf deine Liebe und Hoffnung nicht weg!

Edel fühlst du dich noch, und edel fühlen dich auch die Andern noch, die dir gram sind und böse Blicke senden. Wisse, dass Allen ein Edler im Wege steht.

Auch den Guten steht ein Edler im Wege: und selbst wenn sie ihn einen Guten nennen, so wollen sie ihn damit bei Seite bringen.

Neues will der Edle schaffen und eine neue Tugend. Altes will der Gute, und dass Altes erhalten bleibe.

Aber nicht das ist die Gefahr des Edlen, dass er ein Guter werde, sondern ein Frecher, ein Höhnender, ein Vernichter.

Ach, ich kannte Edle, die verloren ihre höchste Hoffnung. Und nun verleumdeten sie alle hohen Hoffnungen.

Nun lebten sie frech in kurzen Lüsten, und über den Tag hin warfen sie kaum noch Ziele.

„Geist ist auch Wollust“ — so sagten sie. Da zerbrachen ihrem Geiste die Flügel: nun kriecht er herum und beschmutzt im Nagen.

Einst dachten sie Helden zu werden: Lüstlinge sind es jetzt. Ein Gram und ein Grauen ist ihnen der Held.

Aber bei meiner Liebe und Hoffnung beschwöre ich dich: wirf den Helden in deiner Seele nicht weg! Halte heilig deine höchste Hoffnung! —

Also sprach Zarathustra.

 

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-- Traduction française, par Henri Albert --

De l’arbre sur la montagne

Zarathoustra s’était aperçu qu’un jeune homme l’évitait. Et comme il allait un soir seul par la montagne qui domine la ville appelée « la Vache multicolore » : voilà qu’il trouva dans sa promenade ce jeune homme, appuyé contre un arbre et jetant sur la vallée un regard fatigué. Zarathoustra mit son bras autour de l’arbre contre lequel le jeune homme était assis et il parla ainsi :

« Si je voulais secouer cet arbre avec mes mains, je ne le pourrais pas.

Mais le vent que nous ne voyons pas l’agite et le courbe comme il veut. De même nous sommes courbés et agités par des mains invisibles.
Alors le jeune homme se leva stupéfait et il dit : « J’entends Zarathoustra et justement je pensais à lui. » Zarathoustra répondit :

« Pourquoi t’effrayes-tu ? — Il en est de l’homme comme de l’arbre.

Plus il veut s’élever vers les hauteurs et la clarté, plus profondément aussi ses racines s’enfoncent dans la terre, dans les ténèbres et l’abîme, — dans le mal. »

« Oui, dans le mal ! s’écria le jeune homme. Comment est-il possible que tu aies découvert mon âme ? »

Zarathoustra se prit à sourire et dit : « Il y a des âmes qu’on ne découvrira jamais, à moins que l’on ne commence par les inventer. »

« Oui, dans le mal ! s’écria derechef le jeune homme.

Tu disais la vérité, Zarathoustra. Je n’ai plus confiance en moi-même, depuis que je veux monter dans les hauteurs, et personne n’a plus confiance en moi, — d’où cela peut-il donc venir ?

Je me transforme trop vite : mon présent réfute mon passé. Je saute souvent des marches quand je monte, — c’est ce que les marches ne me pardonnent pas.

Quand je suis en haut je me trouve toujours seul. Personne ne me parle, le froid de la solitude me fait trembler. Qu’est-ce que je veux donc dans les hauteurs ?

Mon mépris et mon désir grandissent ensemble ; plus je m’élève, plus je méprise celui qui s’élève. Que veut-il donc dans les hauteurs ?
Comme j’ai honte de ma montée et de mes faux pas ! Comme je ris de mon souffle haletant ! Comme je hais celui qui prend son vol ! Comme je suis fatigué lorsque je suis dans les hauteurs ! »

Alors le jeune homme se tut. Et Zarathoustra regarda l’arbre près duquel ils étaient debout et il parla ainsi :

« Cet arbre s’élève seul sur la montagne ; il a grandi bien au-dessus des hommes et des bêtes.

Et s’il voulait parler, personne ne pourrait le comprendre : tant il a grandi.

Dès lors il attend et il ne cesse d’attendre, — quoi donc ? Il habite trop près du siège des nuages : il attend peut-être le premier coup de foudre ? »

Quand Zarathoustra eut dit cela, le jeune homme s’écria avec des gestes véhéments : « Oui, Zarathoustra, tu dis la vérité. J’ai désiré ma chute en voulant atteindre les hauteurs, et tu es le coup de foudre que j’attendais ! Regarde-moi, que suis-je encore depuis que tu nous es apparu ? C’est la jalousie qui m’a tué ! » — Ainsi parlait le jeune homme et il pleurait amèrement. Zarathoustra, cependant, mit son bras autour de sa taille et l’emmena avec lui.

Et lorsqu’ils eurent marché côte à côte pendant quelques minutes, Zarathoustra commença à parler ainsi :

J’en ai le cœur déchiré. Mieux que ne le disent tes paroles, ton regard me dit tout le danger que tu cours.
Tu n’es pas libre encore, tu cherches encore la liberté. Tes recherches t’ont rendu noctambule et trop lucide.

Tu veux monter librement vers les hauteurs et ton âme a soif d’étoiles. Mais tes mauvais instincts, eux aussi, ont soif de la liberté.

Tes chiens sauvages veulent être libres ; ils aboient de joie dans leur cave, quand ton esprit tend à ouvrir toutes les prisons.

Pour moi, tu es encore un prisonnier qui aspire à la liberté : hélas ! l’âme de pareils prisonniers devient prudente, mais elle devient aussi rusée et mauvaise.

Pour celui qui a délivré son esprit il reste encore à se purifier. Il demeure en lui beaucoup de contrainte et de bourbe : il faut que son œil se purifie.

Oui, je connais le danger que tu cours. Mais par mon amour et mon espoir, je t’en conjure : ne jette pas loin de toi ton amour et ton espoir !

Tu te sens encore noble, et les autres aussi te tiennent pour noble, ceux qui t’en veulent et qui te regardent d’un mauvais œil. Sache qu’ils ont tous quelqu’un de noble dans leur chemin.

Les bons, eux aussi, ont tous quelqu’un de noble dans leur chemin : et quand même ils l’appelleraient bon, ce ne serait que pour le mettre de côté.

L’homme noble veut créer quelque chose de neuf et une nouvelle vertu. L’homme bon désire les choses vieilles et que les choses vieilles soient conservées.
Mais le danger de l’homme noble n’est pas qu’il devienne bon, mais insolent, railleur et destructeur.

Hélas ! j’ai connu des hommes nobles qui perdirent leur plus haut espoir. Et dès lors ils calomnièrent tous les hauts espoirs.

Dès lors ils vécurent, effrontés, en de courts désirs, et à peine se sont-ils tracé un but d’un jour à l’autre.

« L’esprit aussi est une volupté » — ainsi disaient-ils. Alors leur esprit s’est brisé les ailes : maintenant il ne fait plus que ramper et il souille tout ce qu’il dévore.

Jadis ils songeaient à devenir des héros : maintenant ils ne sont plus que des jouisseurs. L’image du héros leur cause de l’affliction et de l’effroi.

Mais par mon amour et par mon espoir, je t’en conjure : ne jette pas loin de toi le héros qui est dans ton âme ! Sanctifie ton plus haut espoir ! —

Ainsi parlait Zarathoustra.

 

Edition bilingue
Texte original allemand suivi de la traduction française