Nietzsche | Also sprach Zarathustra | 16 - Von tausend und Einem Ziele / Mille et un buts

 

Von tausend und Einem Ziele.

Viele Länder sah Zarathustra und viele Völker: so entdeckte er vieler Völker Gutes und Böses. Keine grössere Macht fand Zarathustra auf Erden, als gut und böse.

Leben könnte kein Volk, das nicht erst schätzte; will es sich aber erhalten, so darf es nicht schätzen, wie der Nachbar schätzt.

Vieles, das diesem Volke gut hiess, hiess einem andern Hohn und Schmach: also fand ich’s. Vieles fand ich hier böse genannt und dort mit purpurnen Ehren geputzt.

Nie verstand ein Nachbar den andern: stets verwunderte sich seine Seele ob des Nachbarn Wahn und Bosheit.

Eine Tafel der Güter hängt über jedem Volke. Siehe, es ist seiner Überwindungen Tafel; siehe, es ist die Stimme seines Willens zur Macht.

Löblich ist, was ihm schwer gilt; was unerlässlich und schwer, heisst gut, und was aus der höchsten Noth noch befreit, das Seltene, Schwerste, — das preist es heilig.

Was da macht, dass es herrscht und siegt und glänzt, seinem Nachbarn zu Grauen und Neide: das gilt ihm das Hohe, das Erste, das Messende, der Sinn aller Dinge.

Wahrlich, mein Bruder, erkanntest du erst eines Volkes Noth und Land und Himmel und Nachbar: so erräthst du wohl das Gesetz seiner Überwindungen und warum es auf dieser Leiter zu seiner Hoffnung steigt.

„Immer sollst du der Erste sein und den Andern vorragen: Niemanden soll deine eifersüchtige Seele lieben, es sei denn den Freund“ — diess machte einem Griechen die Seele zittern: dabei gieng er seinen Pfad der Grösse.

„Wahrheit reden und gut mit Bogen und Pfeil verkehren“ — so dünkte es jenem Volke zugleich lieb und schwer, aus dem mein Name kommt — der Name, welcher mir zugleich lieb und schwer ist.

„Vater und Mutter ehren und bis in die Wurzel der Seele hinein ihnen zu Willen sein“: diese Tafel der Überwindung hängte ein andres Volk über sich auf und wurde mächtig und ewig damit.

„Treue üben und um der Treue Willen Ehre und Blut auch an böse und fährliche Sachen setzen“: also sich lehrend bezwang sich ein anderes Volk, und also sich bezwingend wurde es schwanger und schwer von grossen Hoffnungen.

Wahrlich, die Menschen gaben sich alles ihr Gutes und Böses. Wahrlich, sie nahmen es nicht, sie fanden es nicht, nicht fiel es ihnen als Stimme vom Himmel.

Werthe legte erst der Mensch in die Dinge, sich zu erhalten, — er schuf erst den Dingen Sinn, einen Menschen-Sinn! Darum nennt er sich „Mensch“, das ist: der Schätzende.

Schätzen ist Schaffen: hört es, ihr Schaffenden! Schätzen selber ist aller geschätzten Dinge Schatz und Kleinod.

Durch das Schätzen erst giebt es Werth: und ohne das Schätzen wäre die Nuss des Daseins hohl. Hört es, ihr Schaffenden!

Wandel der Werthe, — das ist Wandel der Schaffenden. Immer vernichtet, wer ein Schöpfer sein muss.

Schaffende waren erst Völker und spät erst Einzelne; wahrlich, der Einzelne selber ist noch die jüngste Schöpfung.

Völker hängten sich einst eine Tafel des Guten über sich. Liebe, die herrschen will, und Liebe, die gehorchen will, erschufen sich zusammen solche Tafeln.

Älter ist an der Heerde die Lust, als die Lust am Ich: und so lange das gute Gewissen Heerde heisst, sagt nur das schlechte Gewissen: Ich.

Wahrlich, das schlaue Ich, das lieblose, das seinen Nutzen im Nutzen Vieler will: das ist nicht der Heerde Ursprung, sondern ihr Untergang.

Liebende waren es stets und Schaffende, die schufen Gut und Böse. Feuer der Liebe glüht in aller Tugenden Namen und Feuer des Zorns.

Viele Länder sah Zarathustra und viele Völker: keine grössere Macht fand Zarathustra auf Erden, als die Werke der Liebenden: „gut“ und „böse“ ist ihr Name.

Wahrlich, ein Ungethüm ist die Macht dieses Lobens und Tadelns. Sagt, wer bezwingt es mir, ihr Brüder? Sagt, wer wirft diesem Thier die Fessel über die tausend Nacken?

Tausend Ziele gab es bisher, denn tausend Völker gab es. Nur die Fessel der tausend Nacken fehlt noch, es fehlt das Eine Ziel. Noch hat die Menschheit kein Ziel.

Aber sagt mir doch, meine Brüder: wenn der Menschheit das Ziel noch fehlt, fehlt da nicht auch — sie selber noch? —

Also sprach Zarathustra.

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-- Traduction française, par Henri Albert --

Mille et un buts

Zarathoustra a vu beaucoup de contrées et beaucoup de peuples : c’est ainsi qu’il a découvert le bien et le mal de beaucoup de peuples. Zarathoustra n’a pas découvert de plus grande puissance sur la terre, que le bien et le mal.

Aucun peuple ne pourrait vivre sans évaluer les valeurs ; mais s’il veut se conserver, il ne doit pas évaluer comme évalue son voisin.

Beaucoup de choses qu’un peuple appelait bonnes, pour un autre peuple étaient honteuses et méprisables : voilà ce que j’ai découvert. Ici beaucoup de choses étaient appelées mauvaises et là-bas elles étaient revêtues du manteau de pourpre des honneurs.

Jamais un voisin n’a compris l’autre voisin : son âme s’est toujours étonnée de la folie et de la méchancetée de son voisin.

Une table des biens est suspendue au-dessus de chaque peuple. Or, c’est la table de ce qu’il a surmonté, c’est la voix de sa volonté de puissance.
Est honorable ce qui lui semble difficile ; ce qui est indispensable et difficile, s’appelle bien. Et ce qui délivre de la plus profonde détresse, cette chose rare et difficile, — est sanctifiée par lui.

Ce qui le fait régner, vaincre et briller, ce qui excite l’horreur et l’envie de son voisin : c’est ce qui occupe pour lui la plus haute et la première place, c’est ce qui est la mesure et le sens de toutes choses.

En vérité, mon frère, lorsque tu auras pris conscience des besoins et des terres d’un peuple, lorsque tu connaîtras son ciel et son voisin : tu devineras aussi la loi qui régit ses victoires sur lui-même, et tu sauras pourquoi c’est sur tel degré qu’il monte à ses espérances.

« Il faut que tu sois toujours le premier et que tu dépasses les autres : ton âme jalouse ne doit aimer personne, si ce n’est l’ami » — ceci fit tremble l’âme d’un Grec et lui fit gravir le sentier de la grandeur.

« Dire la vérité et savoir bien manier l’arc et les flèches » — ceci semblait cher, et difficile en même temps, au peuple d’où vient mon nom — ce nom qui est en même temps cher et difficile.

« Honorer père et mère, leur être soumis jusqu’aux racines de l’âme » : cette table des victoires sur soi-même, un autre peuple la suspendit au-dessus de lui et il devint puissant et éternel.

« Être fidèle et, à cause de la fidélité, donner son sang et son honneur, même pour des choses mauvaises et dangereuses » : par cet enseignement un autre peuple s’est surmonté, et, en se surmontant ainsi, il devint gros et lourd de grandes espérances.

En vérité, les hommes se donnèrent eux-mêmes leur bien et leur mal. En vérité, ils ne les prirent point, ils ne les trouvèrent point, ils ne les écoutèrent point comme une voix descendue du ciel.

C’est l’homme qui mit des valeurs dans les choses, afin de se conserver, — c’est lui qui créa le sens des choses, un sens humain ! C’est pourquoi il s’appelle « homme », c’est-à-dire, celui qui évalue.

Évaluer c’est créer : écoutez donc, vous qui êtes créateurs ! C’est leur évaluation qui fait des trésors et des joyaux de toutes choses évaluées.

C’est par l’évaluation que se fixe la valeur : sans l’évaluation, la noix de l’existence serait creuse. Écoutez donc vous qui êtes créateurs !

Les valeurs changent lorsque le créateur se transforme. Celui qui doit créer détruit toujours.

Les créateurs furent d’abord des peuples et plus tard seulement des individus. En vérité, l’individu lui-même est la plus jeune des créations.

Des peuples jadis suspendirent au-dessus d’eux une table du bien. L’amour qui veut dominer et l’amour qui veut obéir se créèrent ensemble de telles tables.

Le plaisir du troupeau est plus ancien que le plaisir de l’individu. Et tant que la bonne conscience s’appelle troupeau, la mauvaise conscience seule dit : Moi.
En vérité, le moi rusé, le moi sans amour qui cherche son avantage dans l’avantage du plus grand nombre : ce n’est pas là l’origine du troupeau, mais son déclin.

Ce furent toujours des fervents et des créateurs qui créèrent le bien et le mal. Le feu de l’amour et le feu de la colère l’allument au nom de toutes les vertus.

Zarathoustra vit beaucoup de pays et beaucoup de peuples. Il n’a pas trouvé de plus grande puissance sur la terre que l’œuvre des fervents : « bien » et « mal », voilà le nom de cette puissance.

En vérité, la puissance de ces louanges et de ces blâmes est pareille à un monstre. Dites-moi, mes frères, qui me terrassera ce monstre ? Dites, qui jettera une chaîne sur les mille nuques de cette bête ?

Il y a eu jusqu’à présent mille buts, car il y a eu mille peuples. Il ne manque que la chaîne des mille nuques, il manque le but unique. L’humanité n’a pas encore de but.

Mais, dites-moi donc, mes frères, si l’humanité manque de but, ne fait-elle pas défaut — elle-même ?

Ainsi parlait Zarathoustra.

 

Edition bilingue
Texte original allemand suivi de la traduction française