Nietzsche | Also sprach Zarathustra | 44 - Von der Menschen-Klugheit / De la sagesse des hommes

 

Von der Menschen-Klugheit.

Nicht die Höhe: der Abhang ist das Furchtbare!

Der Abhang, wo der Blick hinunter stürzt und die Hand hinauf greift. Da schwindelt dem Herzen vor seinem doppelten Willen.

Ach, Freunde, errathet ihr wohl auch meines Herzens doppelten Willen?

Das, Das ist mein Abhang und meine Gefahr, dass mein Blick in die Höhe stürzt, und dass meine Hand sich halten und stützen möchte — an der Tiefe!

An den Menschen klammert sich mein Wille, mit Ketten binde ich mich an den Menschen, weil es mich hinauf reisst zum Übermenschen: denn dahin will mein andrer Wille.

Und dazu lebe ich blind unter den Menschen; gleich als ob ich sie nicht kennte: dass meine Hand ihren Glauben an Festes nicht ganz verliere.

Ich kenne euch Menschen nicht: diese Finsterniss und Tröstung ist oft um mich gebreitet.

Ich sitze am Thorwege für jeden Schelm und frage: wer will mich betrügen?

Das ist meine erste Menschen-Klugheit, dass ich mich betrügen lasse, um nicht auf der Hut zu sein vor Betrügern.

Ach, wenn ich auf der Hut wäre vor dem Menschen: wie könnte meinem Balle der Mensch ein Anker sein! Zu leicht risse es mich hinauf und hinweg!

Diese Vorsehung ist über meinem Schicksal, dass ich ohne Vorsicht sein muss.

Und wer unter Menschen nicht verschmachten will, muss lernen, aus allen Gläsern zu trinken; und wer unter Menschen rein bleiben will, muss verstehn, sich auch mit schmutzigem Wasser zu waschen.

Und also sprach ich oft mir zum Troste: „Wohlan! Wohlauf! Altes Herz! Ein Unglück missrieth dir: geniesse diess als dein — Glück!“

Diess aber ist meine andre Menschen-Klugheit: ich schone die Eitlen mehr als die Stolzen.

Ist nicht verletzte Eitelkeit die Mutter aller Trauerspiele? Wo aber Stolz verletzt wird, da wächst wohl etwas Besseres noch, als Stolz ist.

Damit das Leben gut anzuschaun sei, muss sein Spiel gut gespielt werden: dazu aber bedarf es guter Schauspieler.

Gute Schauspieler fand ich alle Eitlen: sie spielen und wollen, dass ihnen gern zugeschaut werde, — all ihr Geist ist bei diesem Willen.

Sie führen sich auf, sie erfinden sich; in ihrer Nähe liebe ich’s, dem Leben zuzuschaun, — es heilt von der Schwermuth.

Darum schone ich die Eitlen, weil sie mir Ärzte sind meiner Schwermuth und mich am Menschen fest halten als an einem Schauspiele.

Und dann: wer ermisst am Eitlen die ganze Tiefe seiner Bescheidenheit! Ich bin ihm gut und mitleidig ob seiner Bescheidenheit.

Von euch will er seinen Glauben an sich lernen; er nährt sich an euren Blicken, er frisst das Lob aus euren Händen.

Euren Lügen glaubt er noch, wenn ihr gut über ihn lügt: denn im Tiefsten seufzt sein Herz: „was bin ich!“

Und wenn das die rechte Tugend ist, die nicht um sich selber weiss: nun, der Eitle weiss nicht um seine Bescheidenheit! —

Das ist aber meine dritte Menschen-Klugheit, dass ich mir den Anblick der Bösen nicht verleiden lasse durch eure Furchtsamkeit.

Ich bin selig, die Wunder zu sehn, welche heisse Sonne ausbrütet: Tiger und Palmen und Klapperschlangen.

Auch unter Menschen giebt es schöne Brut heisser Sonne und viel Wunderwürdiges an den Bösen.

Zwar, wie eure Weisesten mir nicht gar so weise erschienen: so fand ich auch der Menschen Bosheit unter ihrem Rufe.

Und oft fragte ich mit Kopfschütteln: Warum noch klappern, ihr Klapperschlangen?

Wahrlich, es giebt auch für das Böse noch eine Zukunft! Und der heisseste Süden ist noch nicht entdeckt für den Menschen.

Wie Manches heisst jetzt schon ärgste Bosheit, was doch nur zwölf Schuhe breit und drei Monate lang ist! Einst aber werden grössere Drachen zur Welt kommen.

Denn dass dem Übermenschen sein Drache nicht fehle, der Über-Drache, der seiner würdig ist: dazu muss viel heisse Sonne noch auf feuchten Urwald glühen!

Aus euren Wildkatzen müssen erst Tiger geworden sein und aus euren Giftkröten Krokodile: denn der gute Jäger soll eine gute Jagd haben!

Und wahrlich, ihr Guten und Gerechten! An euch ist Viel zum Lachen und zumal eure Furcht vor dem, was bisher „Teufel“ hiess!

So fremd seid ihr dem Grossen mit eurer Seele, dass euch der Übermensch furchtbar sein würde in seiner Güte!

Und ihr Weisen und Wissenden, ihr würdet vor dem Sonnenbrande der Weisheit flüchten, in dem der Übermensch mit Lust seine Nacktheit badet!

Ihr höchsten Menschen, denen mein Auge begegnete! das ist mein Zweifel an euch und mein heimliches Lachen: ich rathe, ihr würdet meinen Übermenschen — Teufel heissen!

Ach, ich ward dieser Höchsten und Besten müde: aus ihrer „Höhe“ verlangte mich hinauf, hinaus, hinweg zu dem Übermenschen!

Ein Grausen überfiel mich, als ich diese Besten nackend sah: da wuchsen mir die Flügel, fortzuschweben in ferne Zukünfte.

In fernere Zukünfte, in südlichere Süden, als je ein Bildner träumte: dorthin, wo Götter sich aller Kleider schämen!

Aber verkleidet will ich euch sehn, ihr Nächsten und Mitmenschen, und gut geputzt, und eitel, und würdig, als „die Guten und Gerechten,“ —

Und verkleidet will ich selber unter euch sitzen, — dass ich euch und mich verkenne: das ist nämlich meine letzte Menschen-Klugheit.

Also sprach Zarathustra.

 

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-- Traduction française, par Henri Albert --

De la sagesse des hommes

Ce n’est pas la hauteur : c’est la pente qui est terrible !

La pente d’où le regard se précipite dans le vide et d’où la main se tend vers le sommet. C’est là que le vertige de sa double volonté saisit le cœur.

Hélas ! mes amis, devinez-vous aussi la double volonté de mon cœur ?

Ceci, ceci est ma pente et mon danger que mon regard se précipite vers le sommet, tandis que ma main voudrait s’accrocher et se soutenir — dans le vide !

C’est à l’homme que s’accroche ma volonté, je me lie à l’homme avec des chaînes, puisque je suis attiré vers le Surhumain ; car c’est là que veut aller mon autre volonté.

Et c’est pourquoi je vis aveugle parmi les hommes, comme si je ne les connaissais point : afin que ma main ne perde pas entièrement sa foi en les choses solides.

Je ne vous connais pas, vous autres hommes : c’est là l’obscurité et la consolation qui m’enveloppe souvent.

Je suis assis devant le portique pour tous les coquins et je demande : Qui veut me tromper ?

Ceci est ma première sagesse humaine de me laisser tromper, pour ne pas être obligé de me tenir sur mes gardes à cause des trompeurs.

Hélas ! si j’étais sur mes gardes devant l’homme, comment l’homme pourrait-il être une ancre pour mon ballon ! Je serais trop facilement arraché, attiré en haut et au loin !

Qu’il faille que je sois sans prudence, c’est là la providence qui est au-dessus de ma destinée.

Et celui qui ne veut pas mourir de soif parmi les hommes doit apprendre à boire dans tous les verres ; et qui veut rester pur parmi les hommes doit apprendre à se laver avec de l’eau sale.

Et voici ce que je me suis souvent dit pour me consoler : « Eh bien ! Allons ! Vieux cœur ! Un malheur ne t’a pas réussi : jouis-en comme d’un — bonheur ! »

Cependant ceci est mon autre sagesse humaine : je ménage les vaniteux plus que les fiers.

La vanité blessée n’est-elle pas mère de toutes les tragédies ? Mais où la fierté est blessée, croît quelque chose de meilleur qu’elle.

Pour que la vie soit bonne à regarder il faut que son jeu soit bien joué : mais pour cela il faut de bons acteurs.

J’ai trouvé bons acteurs tous les vaniteux : ils jouent et veulent qu’on aime à les regarder, — tout leur esprit est dans cette volonté.

Ils se représentent, ils s’inventent ; auprès d’eux j’aime à regarder la vie, — ainsi se guérit la mélancolie.

C’est pourquoi je ménage les vaniteux, puisqu’ils sont les médecins de ma mélancolie, et puisqu’ils m’attachent à l’homme comme à un spectacle.

Et puis : qui mesure dans toute sa profondeur la modestie du vaniteux ! Je veux du bien au vaniteux et j’ai pitié de lui à cause de sa modestie.

C’est de vous qu’il veut apprendre la foi en soi-même ; il se nourrit de vos regards, c’est dans votre main qu’il cueille l’éloge.

Il aime à croire en vos mensonges, dès que vous mentez bien sur son compte : car au fond de son cœur il soupire : « Que suis-je ? »

Et si la vraie vertu est celle qui ne sait rien d’elle-même, eh bien ! le vaniteux ne sait rien de sa modestie ! —

Mais ceci est ma troisième sagesse humaine que je ne laisse pas votre timidité me dégoûter de la vue des méchants.

Je suis bienheureux de voir les miracles que fait éclore l’ardent soleil : ce sont des tigres, des palmiers et des serpents à sonnettes.

Parmi les hommes aussi il y a de belles couvées d’ardent soleil et chez les méchants bien des choses merveilleuses.

Il est vrai que, de même que les plus sages parmi vous ne me paraissaient pas tout à fait sages : ainsi j’ai trouvé la méchanceté des hommes au-dessous de sa réputation.

Et souvent je me suis demandé en secouant la tête : pourquoi sonnez-vous encore, serpents à sonnettes ?

En vérité, il y a un avenir, même pour le mal, et le midi le plus ardent n’est pas encore découvert pour l’homme.

Combien y a-t-il de choses que l’on nomme aujourd’hui déjà les pires des méchancetés et qui pourtant ne sont que larges de douze pieds et longues de trois mois ! Mais un jour viendront au monde de plus grands dragons.

Car pour que le Surhumain ait son dragon, le sur-dragon qui soit digne de lui : il faut que beaucoup d’ardents soleils réchauffent les humides forêts vierges !

Il faut que vos sauvages soient devenus des tigres et vos crapauds venimeux des crocodiles : car il faut que le bon chasseur fasse bonne chasse !

Et en vérité, justes et bons ! Il y a chez vous bien des choses qui prêtent à rire et surtout votre crainte de ce qui jusqu’à présent a été appelé « démon » !

Votre âme est si loin de ce qui est grand que le Surhumain vous serait épouvantable dans sa bonté !

Et vous autres sages et savants, vous fuiriez devant l’ardeur ensoleillée de la sagesse où le Surhumain baigne la joie de sa nudité !

Vous autres hommes supérieurs que mon regard a rencontrés ! ceci est mon doute sur vous et mon secret : je devine que vous traiteriez mon Surhumain de — démon !

Hélas ! je me suis fatigué de ces hommes supérieurs, je suis fatigué des meilleurs d’entre eux : j’ai le désir de monter de leur « hauteur », toujours plus haut, loin d’eux, vers le Surhumain !

Un frisson m’a pris lorsque je vis nus les meilleurs d’entre eux : alors des ailes m’ont poussé pour planer ailleurs dans des avenirs lointains.

Dans des avenirs plus lointains, dans les midis plus méridionaux que jamais artiste n’en a rêvés : là-bas où les dieux ont honte de tous les vêtements !

Mais je veux vous voir travestis, vous, ô hommes, mes frères et mes prochains, et bien parés, et vaniteux, et dignes, vous les « bons et justes ». —

Et je veux être assis parmi vous, travesti moi-même, afin de vous méconnaître et de me méconnaître moi-même : car ceci est ma dernière sagesse humaine. —

Ainsi parlait Zarathoustra.

 

Edition bilingue
Texte original allemand suivi de la traduction française