Nietzsche | Also sprach Zarathustra | 37 - Vom Lande der Bildung / Du pays de la civilisation

 

Vom Lande der Bildung.

Zu weit hinein flog ich in die Zukunft: ein Grauen überfiel mich.

Und als ich um mich sah, siehe! da war die Zeit mein einziger Zeitgenosse.

Da floh ich rückwärts, heimwärts — und immer eilender: so kam ich zu euch, ihr Gegenwärtigen, und in’s Land der Bildung.

Zum ersten Male brachte ich ein Auge mit für euch, und gute Begierde: wahrlich, mit Sehnsucht im Herzen kam ich.

Aber wie geschah mir? So angst mir auch war, — ich musste lachen! Nie sah mein Auge etwas so Buntgesprenkeltes!

Ich lachte und lachte, während der Fuss mir noch zitterte und das Herz dazu: „hier ist ja die Heimat aller Farbentöpfe!“ — sagte ich.

Mit fünfzig Klexen bemalt an Gesicht und Gliedern: so sasset ihr da zu meinem Staunen, ihr Gegenwärtigen!

Und mit fünfzig Spiegeln um euch, die eurem Farbenspiele schmeichelten und nachredeten!

Wahrlich, ihr könntet gar keine bessere Maske tragen, ihr Gegenwärtigen, als euer eignes Gesicht ist! Wer könnte euch — erkennen!

Vollgeschrieben mit den Zeichen der Vergangenheit, und auch diese Zeichen überpinselt mit neuen Zeichen: also habt ihr euch gut versteckt vor allen Zeichendeutern!

Und wenn man auch Nierenprüfer ist: wer glaubt wohl noch, dass ihr Nieren habt! Aus Farben scheint ihr gebacken und aus geleimten Zetteln.

Alle Zeiten und Völker blicken bunt aus euren Schleiern; alle Sitten und Glauben reden bunt aus euren Gebärden.

Wer von euch Schleier und Überwürfe und Farben und Gebärden abzöge: gerade genug würde er übrig behalten, um die Vögel damit zu erschrecken.

Wahrlich, ich selber bin der erschreckte Vogel, der euch einmal nackt sah und ohne Farbe; und ich flog davon, als das Gerippe mir Liebe zuwinkte.

Lieber wollte ich doch noch Tagelöhner sein in der Unterwelt und bei den Schatten des Ehemals! — feister und voller als ihr sind ja noch die Unterweltlichen!

Diess, ja diess ist Bitterniss meinen Gedärmen, dass ich euch weder nackt, noch bekleidet aushalte, ihr Gegenwärtigen!

Alles Unheimliche der Zukunft, und was je verflogenen Vögeln Schauder machte, ist wahrlich heimlicher noch und traulicher als eure „Wirklichkeit“.

Denn so sprecht ihr: „Wirkliche sind wir ganz, und ohne Glauben und Aberglauben“: also brüstet ihr euch — ach, auch noch ohne Brüste!

Ja, wie solltet ihr glauben können, ihr Buntgesprenkelten! — die ihr Gemälde seid von Allem, was je geglaubt wurde!

Wandelnde Widerlegungen seid ihr des Glaubens selber, und aller Gedanken Gliederbrechen. Unglaubwürdige: also heisse ich euch, ihr Wirklichen!

Alle Zeiten schwätzen wider einander in euren Geistern; und aller Zeiten Träume und Geschwätz waren wirklicher noch als euer Wachsein ist!

Unfruchtbare seid ihr: darum fehlt es euch an Glauben. Aber wer schaffen musste, der hatte auch immer seine Wahr-Träume und Stern-Zeichen — und glaubte an Glauben! —

Halboffne Thore seid ihr, an denen Todtengräber warten. Und das ist eure Wirklichkeit: „Alles ist werth, dass es zu Grunde geht.“

Ach, wie ihr mir dasteht, ihr Unfruchtbaren, wie mager in den Rippen! Und Mancher von euch hatte wohl dessen selber ein Einsehen.

Und er sprach: „es hat wohl da ein Gott, als ich schlief, mir heimlich Etwas entwendet? Wahrlich, genug, sich ein Weibchen daraus zu bilden!

Wundersam ist die Armuth meiner Rippen!“ also sprach schon mancher Gegenwärtige.

Ja, zum Lachen seid ihr mir, ihr Gegenwärtigen! Und sonderlich, wenn ihr euch über euch selber wundert!

Und wehe mir, wenn ich nicht lachen könnte über eure Verwunderung, und alles Widrige aus euren Näpfen hinunter trinken müsste!

So aber will ich’s mit euch leichter nehmen, da ich Schweres zu tragen habe; und was thut’s mir, wenn sich Käfer und Flügelwürmer noch auf mein Bündel setzen!

Wahrlich, es soll mir darob nicht schwerer werden! Und nicht aus euch, ihr Gegenwärtigen, soll mir die grosse Müdigkeit kommen. —

Ach, wohin soll ich nun noch steigen mit meiner Sehnsucht! Von allen Bergen schaue ich aus nach Vater- und Mutterländern.

Aber Heimat fand ich nirgends: unstät bin ich in allen Städten und ein Aufbruch an allen Thoren.

Fremd sind mir und ein Spott die Gegenwärtigen, zu denen mich jüngst das Herz trieb; und vertrieben bin ich aus Vater- und Mutterländern.

So liebe ich allein noch meiner Kinder Land, das unentdeckte, im fernsten Meere: nach ihm heisse ich meine Segel suchen und suchen.

An meinen Kindern will ich es gut machen, dass ich meiner Väter Kind bin: und an aller Zukunft — diese Gegenwart!

Also sprach Zarathustra.

 

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-- Traduction française, par Henri Albert --

Du pays de la civilisation

J’ai volé trop loin dans l’avenir : un frisson d’horreur m’a assailli.

Et lorsque j’ai regardé autour de moi, voici, le temps était mon seul contemporain.

Alors je suis retourné, fuyant en arrière — et j’allais toujours plus vite : c’est ainsi que je suis venu auprès de vous, vous les hommes actuels, je suis venu dans le pays de la civilisation.

Pour la première fois, je vous ai regardés avec l’œil qu’il fallait, et avec de bons désirs : en vérité je suis venu avec le cœur languissant.

Et que m’est-il arrivé ? Malgré la peur que j’ai eue — j’ai dû me mettre à rire ! Mon œil n’a jamais rien vu d’aussi bariolé !

Je ne cessai de rire, tandis que ma jambe tremblait et que mon cœur tremblait, lui aussi : « Est-ce donc ici le pays de tous les pots de couleurs ? » — dis-je.

Le visage et les membres peinturlurés de cinquante façons : c’est ainsi qu’à mon grand étonnement je vous voyais assis, vous les hommes actuels !

Et avec cinquante miroirs autour de vous, cinquante miroirs qui flattaient et imitaient votre jeu de couleurs !
En vérité, vous ne pouviez porter de meilleur masque que votre propre visage, hommes actuels ! Qui donc saurait vous — reconnaître ?

Barbouillés des signes du passé que recouvrent de nouveaux signes : ainsi que vous êtes bien cachés de tous les interprètes !

Et si l’on savait scruter les entrailles, à qui donc feriez-vous croire que vous avez des entrailles ? Vous semblez pétris de couleurs et de bouts de papier collés ensemble.

Tous les temps et tous les peuples jettent pêle-mêle un regard à travers vos voiles ; toutes les coutumes et toutes les croyances parlent pêle-mêle à travers vos attitudes.

Celui qui vous ôterait vos voiles, vos surcharges, vos couleurs et vos attitudes n’aurait plus devant lui que de quoi effrayer les oiseaux.

En vérité, je suis moi-même un oiseau effrayé qui, un jour, vous a vus nus et sans couleurs ; et je me suis enfui lorsque ce squelette m’a fait des gestes d’amour.

Car je préférerais être manœuvre dans l’enfer et chez les ombres du passé ! — Les habitants de l’enfer ont plus de consistance que vous !

C’est pour moi l’amertume de mes entrailles de ne pouvoir vous supporter ni nus, ni habillés, vous autres hommes actuels !

Tout ce qui est inquiétant dans l’avenir, et tout ce qui a jamais épouvanté des oiseaux égarés, inspire en vérité plus de quiétude et plus de calme que votre « réalité ».

Car c’est ainsi que vous parlez : « Nous sommes entièrement faits de réalité, sans croyance et sans superstition. » C’est ainsi que vous vous rengorgez, sans même avoir de gorge !

Oui, comment pourriez-vous croire, bariolés comme vous l’êtes ! — vous qui êtes des peintures de tout ce qui a jamais été cru.

Vous êtes des réfutations mouvantes de la foi elle-même ; et la rupture de toutes les pensées. Êtres éphémères, c’est ainsi que je vous appelle. Vous les « hommes de la réalité » !

Toutes les époques déblatèrent les unes contre les autres dans vos esprits ; et les rêves et les bavardages de toutes les époques étaient plus réels encore que votre raison éveillée !

Vous êtes stériles : c’est pourquoi vous manquez de foi. Mais celui qui devait créer possédait toujours ses rêves et ses étoiles — et il avait foi en la foi ! —

Vous êtes des portes entr’ouvertes où attendent les fossoyeurs. Et cela est votre réalité : « Tout vaut la peine de disparaître. »

Ah ! comme vous voilà debout devant moi, hommes stériles, squelettes vivants ! Et il y en a certainement parmi vous qui s’en sont rendu compte eux-mêmes.

Ils disaient : « Un dieu m’aurait-il enlevé quelque chose pendant que je dormais ? En vérité, il y aurait de quoi en faire une femme !

La pauvreté de mes côtes est singulière ! » ainsi parla déjà maint homme actuel.

Oui, vous me faites rire, hommes actuels ! et surtout quand vous vous étonnez de vous-mêmes !

Malheur à moi si je ne pouvais rire de votre étonnement et s’il me fallait avaler tout ce que vos écuelles contiennent de répugnant !

Mais je vous prends à la légère, puisque j’ai des choses lourdes à porter ; et que m’importe si des mouches se posent sur mon fardeau !

En vérité mon fardeau n’en sera pas plus lourd ! Et ce n’est pas de vous, mes contemporains, que me viendra la grande fatigue. —

Hélas ! où dois-je encore monter avec mon désir ? Je regarde du haut de tous les sommets pour m’enquérir de patries et de terres natales.

Mais je n’en ai trouvé nulle part : je suis errant dans toutes les villes, et, à toutes les portes, je suis sur mon départ.

Les hommes actuels vers qui tout à l’heure mon cœur était poussé sont maintenant pour moi des étrangers qu’excitent mon rire ; je suis chassé des patries et des terres natales.

Je n’aime donc plus que le pays de mes enfants, la terre inconnue parmi les mers lointaines : c’est elle que ma voile doit chercher sans cesse.

Je veux me racheter auprès de mes enfants d’avoir été le fils de mes pères : je veux racheter de tout l’avenir — ce présent ! —

Ainsi parlait Zarathoustra.

 

Edition bilingue
Texte original allemand suivi de la traduction française