Nietzsche | Also sprach Zarathustra | 32 - Das Nachtlied / Le chant de la nuit

 

Das Nachtlied.

Nacht ist es: nun reden lauter alle springenden Brunnen. Und auch meine Seele ist ein springender Brunnen.

Nacht ist es: nun erst erwachen alle Lieder der Liebenden. Und auch meine Seele ist das Lied eines Liebenden.

Ein Ungestilltes, Unstillbares ist in mir; das will laut werden. Eine Begierde nach Liebe ist in mir, die redet selber die Sprache der Liebe.

Licht bin ich: ach, dass ich Nacht wäre! Aber diess ist meine Einsamkeit, dass ich von Licht umgürtet bin.

Ach, dass ich dunkel wäre und nächtig! Wie wollte ich an den Brüsten des Lichts saugen!

Und euch selber wollte ich noch segnen, ihr kleinen Funkelsterne und Leuchtwürmer droben! — und selig sein ob eurer Licht-Geschenke.

Aber ich lebe in meinem eignen Lichte, ich trinke die Flammen in mich zurück, die aus mir brechen.

Ich kenne das Glück des Nehmenden nicht; und oft träumte mir davon, dass Stehlen noch seliger sein müsse, als Nehmen.

Das ist meine Armuth, dass meine Hand niemals ausruht vom Schenken; das ist mein Neid, dass ich wartende Augen sehe und die erhellten Nächte der Sehnsucht.

Oh Unseligkeit aller Schenkenden! Oh Verfinsterung meiner Sonne! Oh Begierde nach Begehren! Oh Heisshunger in der Sättigung!

Sie nehmen von mir: aber rühre ich noch an ihre Seele? Eine Kluft ist zwischen Geben und Nehmen; und die kleinste Kluft ist am letzten zu überbrücken.

Ein Hunger wächst aus meiner Schönheit: wehethun möchte ich Denen, welchen ich leuchte, berauben möchte ich meine Beschenkten: — also hungere ich nach Bosheit.

Die Hand zurückziehend, wenn sich schon ihr die Hand entgegenstreckt; dem Wasserfalle gleich zögernd, der noch im Sturze zögert: — also hungere ich nach Bosheit.

Solche Rache sinnt meine Fülle aus; solche Tücke quillt aus meiner Einsamkeit.

Mein Glück im Schenken erstarb im Schenken, meine Tugend wurde ihrer selber müde an ihrem Überflusse!

Wer immer schenkt, dessen Gefahr ist, dass er die Scham verliere; wer immer austheilt, dessen Hand und Herz hat Schwielen vor lauter Austheilen.

Mein Auge quillt nicht mehr über vor der Scham der Bittenden; meine Hand wurde zu hart für das Zittern gefüllter Hände.

Wohin kam die Thräne meinem Auge und der Flaum meinem Herzen? Oh Einsamkeit aller Schenkenden! Oh Schweigsamkeit aller Leuchtenden!

Viel Sonnen kreisen im öden Raume: zu Allem, was dunkel ist, reden sie mit ihrem Lichte, — mir schweigen sie.

Oh diess ist die Feindschaft des Lichts gegen Leuchtendes, erbarmungslos wandelt es seine Bahnen.

Unbillig gegen Leuchtendes im tiefsten Herzen: kalt gegen Sonnen, — also wandelt jede Sonne.

Einem Sturme gleich fliegen die Sonnen ihre Bahnen, das ist ihr Wandeln. Ihrem unerbittlichen Willen folgen sie, das ist ihre Kälte.

Oh, ihr erst seid es, ihr Dunklen, ihr Nächtigen, die ihr Wärme schafft aus Leuchtendem! Oh, ihr erst trinkt euch Milch und Labsal aus des Lichtes Eutern!

Ach, Eis ist um mich, meine Hand verbrennt sich an Eisigem! Ach, Durst ist in mir, der schmachtet nach eurem Durste!

Nacht ist es: ach dass ich Licht sein muss! Und Durst nach Nächtigem! Und Einsamkeit!

Nacht ist es: nun bricht wie ein Born aus mir mein Verlangen, — nach Rede verlangt mich.

Nacht ist es: nun reden lauter alle springenden Brunnen. Und auch meine Seele ist ein springender Brunnen.

Nacht ist es: nun erst erwachen alle Lieder der Liebenden. Und auch meine Seele ist das Lied eines Liebenden. —

Also sang Zarathustra.

 

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-- Traduction française, par Henri Albert --

Le chant de la nuit

Il fait nuit : voici que s’élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes. Et mon âme, elle aussi, est une fontaine jaillissante.

Il fait nuit : voici que s’éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme, elle aussi, est un chant d’amoureux.

Il y a en moi quelque chose d’inapaisé et d’inapaisable qui veut élever la voix. Il y a en moi un désir d’amour qui parle lui-même le langage de l’amour.

Je suis lumière : ah ! si j’étais nuit ! Mais ceci est ma solitude d’être enveloppé de lumière.

Hélas ! que ne suis-je ombre et ténèbres ! Comme j’étancherais ma soif aux mamelles de la lumière !

Et vous-mêmes, je vous bénirais, petits astres scintillants, vers luisants du ciel ! et je me réjouirais de la lumière que vous me donneriez.

Mais je vis de ma propre lumière, j’absorbe en moi-même les flammes qui jaillissent de moi.

Je ne connais pas la joie de ceux qui prennent ; et souvent j’ai rêvé que voler était une volupté plus grande encore que prendre.

Ma pauvreté, c’est que ma main ne se repose jamais de donner ; ma jalousie, c’est de voir des yeux pleins d’attente et des nuits illuminées de désir.

Ô misère de tous ceux qui donnent ! Ô obscurcissement de mon soleil ! Ô désir de désirer ! Ô faim dévorante dans la satiété !

Ils prennent ce que je leur donne : mais suis-je encore en contact avec leurs âmes ? Il y a un abîme entre donner et prendre ; et le plus petit abîme est le plus difficile à combler.
Une faim naît de ma beauté : je voudrais faire du mal à ceux que j’éclaire ; je voudrais dépouiller ceux que je comble de mes présents : — c’est ainsi que j’ai soif de méchanceté.

Retirant la main, lorsque déjà la main se tend ; hésitant comme la cascade qui dans sa chute hésite encore : — c’est ainsi que j’ai soif de méchanceté.

Mon opulence médite de telles vengeances : de telles malices naissent de ma solitude.

Mon bonheur de donner est mort à force de donner, ma vertu s’est fatiguée d’elle-même et de son abondance !

Celui qui donne toujours court le danger de perdre la pudeur ; celui qui toujours distribue, à force de distribuer, finit par avoir des callosités à la main et au cœur.

Mes yeux ne fondent plus en larmes sur la honte des suppliants ; ma main est devenue trop dure pour sentir le tremblement des mains pleines.

Que sont devenus les larmes de mes yeux et le duvet de mon cœur ? Ô solitude de tous ceux qui donnent ! Ô silence de tous ceux qui luisent !

Bien des soleils gravitent dans l’espace désert : leur lumière parle à tout ce qui est ténèbres, — c’est pour moi seul qu’ils se taisent.

Hélas ! telle est l’inimitié de la lumière pour ce qui est lumineux ! Impitoyablement, elle poursuit sa course.

Injustes au fond du cœur contre tout ce qui est lumineux, froids envers les soleils — ainsi tous les soleils poursuivent leur course.
Pareils à l’ouragan, les soleils volent le long de leur voie ; c’est là leur route. Ils suivent leur volonté inexorable ; c’est là leur froideur.

Oh ! c’est vous seuls, êtres obscurs et nocturnes qui créez la chaleur par la lumière ! Oh ! c’est vous seuls qui buvez un lait réconfortant aux mamelles de la lumière !

Hélas ! la glace m’environne, ma main se brûle à des contacts glacés ! Hélas la soif est en moi, une soif altérée de votre soif !

Il fait nuit : hélas ! pourquoi me faut-il être lumière ! et soif de ténèbres ! et solitude !

Il fait nuit : voici que mon désir jaillit comme une source, — mon désir veut élever la voix.

Il fait nuit : voici que s’élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes. Et mon âme, elle aussi, est une fontaine jaillissante.

Il fait nuit : voici que s’éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme, elle aussi, est un chant d’amoureux. —

Ainsi chantait Zarathoustra.

 

Edition bilingue
Texte original allemand suivi de la traduction française